Présentation du 5ème rapport du GIEC à Bruxelles

10 décembre 2013

Ce vendredi 6 décembre était organisé à la politique scientifique fédérale belge (BELSPO) une présentation du cinquième rapport du GIEC, partie 1 (AR5 dans le jargon du GIEC). Le but de cette rencontre était de présenter différents aspects de ce rapport par les scientifiques belges qui y ont eux-mêmes été impliqués. Le programme complet de cette après-midi et les présentations se trouvent ici.

La rencontre a commencé par une intervention de Melchior Wathelet, secrétaire d’Etat à l’Environnement, l’Energie et la Mobilité, qui a rappelé que l’objectif de réduction de 80% des émissions à l’horizon 2050 était possible et que les deux principaux secteurs qui ont la plus grande marge de manœuvre pour les réductions concernent chacun de nous: c’est la consommation d’énergie dans la mobilité et le logement.

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Jean-Pascal van Ypersele a ensuite présenté le rapport AR5, en réservant une petite surprise! Des slides présentant les principales conclusions du premier rapport de 1992 s’étaient glissées dans sa présentation! Mais finalement, ce dernier rapport ne change pas fondamentalement ces conclusions d’il y a une vingtaine d’années! Une boutade pour montrer que le consensus scientifique sur le réchauffement n’a fait que de se confirmer depuis le début des travaux du GIEC.

Jean-Pascal Van Ypersele a mis en garde contre les analyses “cherry-picking” de certains climato-septiques, qui extraient des données particulières, des morceaux de graphiques de la littérature scientifique et des rapports du GIEC pour mettre en doute l’actualité du réchauffement. En particulier, le ralentissement du réchauffement qui est observé pour la quinzaine d’années 1998-2012 (+ 0.05°C par décennie) est surtout dû au caractère très chaud de l’année 1998, dû à l’intensité du phénomène El Nino cette année-là. Si on prend comme période de référence 1996-2010, on obtient un réchauffement de + 0.14 °C par décennie. C’est une évidence statistique qu’il a rappelé à l’audience: à savoir qu’une période de 15 ans n’est pas significative en climatologie, tout comme tel évènement extrême (typhon Hayan, tempête du 5 décembre en Belgique) ne peut pas être interprété directement comme une conséquence du réchauffement.

Pour info, cette présentation de JP van Ypersele ainsi que les autres de la journéee sont disponibles ici.

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Enfin, une nouveauté du rapport est un graphe entre le cumul des émissions de CO2 et la température (cfr ci-dessus) qui présente une linéarité entre ces deux variables. Ce graphe a une forte portée en termes de communication, car il simplifie l’enjeu du réchauffement sous forme de budget « carbone » à ne pas dépasser pour rester sous un seuil donné de température. Ainsi, pour rester sous un réchauffement de 2 degrés à l’horizon 2100, nous avons un total de 800 GtC à ne pas dépasser, desquelles nous avons déjà « consommé » 550 GtC (période de référence de 1870-2013). Il nous reste donc un quota de 250 GtC, ce qui correspond à 25 années d’émissions actuelles de carbone. La trajectoire de cette quantité à utiliser (ou pas) importe peu : peu importe pour le climat que tout soit consommé en quelques années ou en plusieurs décennies tant que l’on reste sous le seuil décidé. Cet objectif de 250 GtC est-il réaliste ? Il est certainement possible techniquement, et il faut rappeler qu’aussi bien les USA et l’Europe ont vu leurs émissions diminuer au cours des dix dernières années.

En ce qui concerne les implications pour la Belgique, une nouveauté de l’AR5 est un atlas régional des projections du GIEC (voir cet article précédent sur ce blog). Selon Piet Termonia (KMI/IRM), la construction d’un tel atlas permet d’améliorer la conscientisation et l’implication des populations. L’IRM travaille d’ailleurs sur un projet d’atlas météorologique de Belgique qui sera en ligne sur meteo.be en 2014.

Enfin, la journée s’est terminée par une table-ronde avec différents stakeholders: représentants des travailleurs, des employeurs, ONG environnementalistes, monde associatif, etc. qui ont pu poser leurs questions aux “experts” scientifiques présents dans la salle. Particularité d’un évènement organisé par un service public fédéral, le tout est en bilingue français – néerlandais mélangé en alternance, sans traduction!