Le changement climatique en Belgique vu par des marqueurs agronomiques

4 juin 2014

par Timothy Cengiarotti, étudiant à l’ULg Arlon Campus Environnement.

Dans le cadre de l’année préparatoire au master en sciences et gestion de l’environnement à l’Université de Liège, j’ai dû prester un stage dans l’unité de recherche Eau-Environnement-Développement dont les locaux sont établis sur le campus d’Arlon. L’objectif fut d’évaluer le changement climatique de ces 25 dernières années (1988-2012) sur l’agriculture en Belgique, et ce, par le biais de marqueurs agronomiques. Deux cultures ont été étudiées: le maïs (Zea mays) et le blé d’hiver (Triticum aestivum L. subsp. Aestivum). Voici les 3 marqueurs agronomiques retenus pour chacune d’elles:

  1. Les «degrés-jour» de croissance, relatifs au cumul des températures
  2. Le cumul des précipitations durant la période critique de développement
  3. Le bilan hydrique durant la période de croissance, qui permet d’associer les facteurs thermiques et hydriques.

Tous les résultats, sous forme de cartes, sont disponibles ici :

  1. ∑ des degrés-jours pour le froment (période 15/10 – 31/07 de l’année suivante)
  2. ∑ des degrés-jours pour le maïs (période 01/05 – 30/09)
  3. Cumul des précipitations pour le froment
  4. Cumul des précipitations pour le maïs
  5. Bilan hydrique pour le froment
  6. Bilan hydrique pour le maïs

Grâce aux résultats obtenus à partir du 1e indice, nous avons pu dégager quelques enseignements que je vous présente ci-dessous. La période considérée pour le calcul s’étend du 01/05 au 30/09 pour le maïs et du 15/10 au 31/07 pour le blé d’hiver, ce qui correspond à leur période de croissance.
1. Les indices retenus montrent un réchauffement du climat sur ces 25 dernières années pendant la période de culture en Belgique. Ce réchauffement est mis en exergue par le cumul thermique qui n’a cessé de croître malgré des retours à des valeurs plus basses à partir de 2010. Les moyennes des valeurs annuelles réalisées sur les intervalles 1988-1999 et 2000-2012 augmentent de 87 et 143 degrés-jour respectivement pour le maïs (passage de 1451 à 1538 degrés-jour) et le froment (passage de 2471 à 2614 degrés-jours). Toutes les saisons sont donc concernées par ce réchauffement puisque seules les données des 15 premiers jours d’octobre ne sont pas comptabilisées dans le calcul. La figure 1 expose les valeurs extrêmes rencontrées durant la période de croissance du blé d’hiver en 2006-2007, considérée comme la plus chaude de ces 25 dernières années.

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Fig. 1

2. Lors d’épisodes particulièrement chauds comme celui-ci, on rencontre en Ardennes les conditions que l’on connaît en Campine dans des conditions météorologiques dites normales. Le Condroz, la Famenne et la région Jurassique sont fortement touchées lors de vagues de chaleur avec des valeurs dépassant de 1500 degrés-jours les moyennes campinoises. Seule la Haute-Ardenne conserve sa fraîcheur et l’impact des épisodes chauds extrêmes n’est donc pas global.
Pour terminer par des conclusions plus générales, on constate l’apparition d’épisodes climatiques extrêmes en plus grand nombre au cours des années post 2000 tels des vagues de chaleurs ou des orages d’été. Ce phénomène est mis en avant par le passage de 73 mm (moyenne annuelle sur la période 1988-1999) à 112 mm (moyenne annuelle sur la période 1999-2012) durant la période critique de développement du maïs (01/07 – 05/08). La figure 2 illustre le cumul des précipitations durant le mois de juillet 2000.

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Fig. 2

Par contre, les printemps sont légèrement plus secs ce qui se traduit par le passage de 166 (moyenne annuelle sur la période 1988-1999) à 161 mm (moyenne annuelle sur la période 2000-2011) pour la période critique de développement du blé d’hiver (01/04 – 15/ 06). Un exemple de printemps extrêmement sec est présent sur la figure 3.

blog_fig3Fig. 3

Travail réalisé par Cengiarotti Timothy, étudiant à l’ULg campus environnement (Arlon), sous la supervision de Julien Minet.

5ème rapport du GIEC, 2ème partie

8 mai 2014

Ce mardi 6 mai avait lieu à Bruxelles la présentation du 5ème rapport du GIEC (AR5), avec la 2ème partie sur les impacts, l’adaptation et la vulnérabilité face aux changements climatiques. Un moment qui a rassemblé des scientifiques, fonctionnaires, quelques journalistes et des représentants de la société civile. Une rencontre similaire avait eu lieu à l’occasion de la sortie de la première partie du rapport du GIEC (sur les bases physiques du changement climatique) et avait d’ailleurs fait l’objet d’un post dans ce blog. Les présentations de cette journée sont disponibles sur climat.be.

  • La 2ème partie du rapport AR5, présentée par Jean-Pascal van Ypersele, se concentre non plus sur l’observation et la modélisation du climat, mais sur les impacts des changements climatiques sur la société, ainsi que les possibilités d’adaptation pour amoindrir ses effets. Les impacts sont présentés par secteurs (transport, économie, agriculture, …) et, nouveauté par rapport au précédent rapport (AR4), par régions du monde. Pour ceux intéressé par l’Europe et plus particulièrement par les impacts sur l’agriculture, je renvoie aux pages 17 à 19 du chapitre “Europe” qui donne une revue bibliographique condensée d’études d’impacts sur l’agriculture en Europe. Le rapport complet (en anglais), décliné en divers chapitres, se trouve ici et un résumé . Un résumé interactif et en français du rapport complet est particulièrement bien fait sur leclimatchange.fr.

Aucune figure ne peut résumer complètement les milliers de pages de ce rapport, mais en voici une particulièrement illustrative sur les impacts et leur gravité en fonction du réchauffement attendu. Le diagramme de gauche définit les projections attendues en température globale, selon différents scénarios. La diagramme de droite, lui, montre les risques de différents impacts en fonction du réchauffement global.  On voit bien ici toute la pertinence de l’objectif « pas de réchauffement global au-dessus de 2°C » défini par le GIEC : c’est au-delà de ce seuil que les effets les plus dommageable se feront sentir.

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  • Daniela Jacob a ensuite détaillé le chapitre « européen » du rapport, en se focalisant sur les effets en Belgique, située en Europe sur la limite du changement en précipitations annuelles, qui déclineront en Europe du Sud et augmenteront dans le nord du continent. A l’échelle saisonnière par contre, les étés belges devraient être plus secs et les hivers plus arrosés, mais avec pour chaque saison une plus forte occurrence de précipitations extrêmes. La présentation a passé en revue plusieurs compilations d’études sur les impacts dans divers secteurs. En agriculture, certains résultats sont encore contrastés, mais il apparait de plus en plus que les rendements agricoles augmenteront en Europe du Nord et diminueront en Europe du Sud.
  • La deuxième partie de la matinée a été consacrée à des interventions des 4 agences (fédéral + les 3 régions) gouvernementales en charge du climat. En particulier, retenons le futur plan wallon sur l’adaptation aux changements climatiques concocté par l’agence wallonne de l’air et du climat, qui a été récemment adopté par le gouvernement wallon et qui sera soumis à enquête publique en juin 2014. Une sortie à surveiller ! Ce plan dresse un état des connaissances sur les impacts des changements climatiques spécifiquement en Wallonie pour différents secteurs : agriculture, énergie, transport, ressources en eaux, forêts, …
  • Enfin, les dernières interventions ont laissé la parole aux scientifiques avec une présentation de Rafiq Hamdi de l’IRM/KMI sur l’effet réchauffant des îlots urbains étudié dans le cas de Bruxelles à partir de la station météorologique d’Uccle. En effet, les villes ont tendance à mieux capter et conserver la chaleur du soleil, en plus de la chaleur dégagée par les activités humaines, ce qui occasionne un réchauffement, surtout nocturne, qui a pu être mis en évidence depuis les années 1950 à partir des relevés météos de la station d’Uccle. Patrick Willens de la KUL a terminé en présentant un projet sur l’impact des changements climatiques sur le cycle de l’eau en Flandre, et singulièrement sur les inondations.

Julien Minet

“50 idées reçues sur l’agriculture et l’alimentation”

23 avril 2014

marc dufumier livre

Le vendredi 9 mai prochain aura lieu une conférence de Marc Dufumier, agronome, professeur émérite à AgroParisTech, dont la renommée et l’expertise en agriculture et sécurité alimentaire n’est plus à faire. Cette conférence présentera son nouveau livre “50 idées reçues sur l’agriculture et l’alimentation”.

Où: MUNDO N – Rue Nanon, 98 5000 Namur

Quand: vendredi 9 mai, 20h.

En guise d’apéritif, une interview de Marc Dufumier sur RFI.

Julien

Réunion à mi-parcours du projet MACSUR

4 avril 2014

Petit rapport du mid-term meeting du projet MACSUR qui s’est tenu à Sassari en Sardaigne du 1 au 4 avril. Cette réunion rassemblait des scientifiques et des agents des agences gouvernementales de la recherche de toute l’Europe, pour un programme entre conférences scientifiques et réunions de travail. Le travail des différentes tâches de MACSUR qui a été réalisé jusqu’à présent a été montré par les responsables de chaque work package de MACSUR. Une majorité des scientifiques impliqués dans ces work packages étaient présents, ce qui a laissé l’opportunité pour chacun d’échanger sur les tâches de modélisation, de comparaison de modèles, de cas d’étude ou autres activités qui font le coeur de MACSUR.

Les responsables de FACCE sont intervenus également, en soulignant que le projet MACSUR était le porte-drapeau de FACCE, et qu’ils voulaient donc que ce soit un succès. Ils ont souligné que MACSUR devrait donner plus d’inputs aux décideurs politiques, sans doute par le biais des cas d’études (regional pilot studies). La deuxième phase de MACSUR a été activement discutée et préparée, en plénière pour les orientations générales, mais aussi dans chaque groupe (CropM, LiveM, TradeM) plus précisément. Elle sera probablement tournée vers plus d’applications.

Une partie intéressante était une présentation rapide d’autres projets en lien avec MACSUR:

  • ANIMALCHANGE: un grand projet européen sur les options d’adaptation et de mitigation du secteur de l’élevage face aux changements climatiques;
  • MITIGATE platform: une plateforme de métadonnées sur les stratégies de mitigation des émissions de méthane (Eli Saetnan)
  • LandPaKT: une école doctorale allemande et des projets sur la mitigation des émissions de GES à l’échelle de l’exploitation agricole.
  • Les liens entre AgMIP et TradeM de MACSUR
  • Centre for Regional change in the Earth System (CRES): un centre d’excellence en recherche des impacts du climat au Danemark.
  • Vul’Clim: un projet d’évaluation de la vulnérabilité des prairies face aux changements climatiques, en Auvergne, FR.
  • IC-FAR: une plateforme d’échange de données issues des essais agronomiques à long-terme en Italie.

Enfin, j’ai malheureusement manqué l’excursion pour Arborea, un village créé dans les années 30 et qui abrite une coopérative agricole du même nom. A noter que les organisateurs du meeting ont été cohérents dans leur choix d’une nourriture locale et de grande qualité pour les repas de la conférence, issue en partie d’Arborea.

Une grande partie des présentations et des abstracts sont déjà et seront dans les prochaines semaines disponibles sur le site de la conférence.

Sécurité alimentaire et modélisation des cultures

17 février 2014

Un compte-rendu partiel du CropM international workshop & symposium, Oslo, 10-12 février 2014.

La conférence, organisée dans le cadre du projet européen MACSUR, a rassemblé la communauté des modélisateurs de croissances des plantes en Europe et au-delà. Cette conférence a également permis de partager l’état d’avancement des différentes tâches du groupe CropM (modélisateurs de la croissance des cultures) au sein de MACSUR. Ci-dessous, un choix arbitraire de quelques éléments marquants de cette conférence :

Malthus et la sécurité alimentaire

Lundi soir (10/02) était organisé la séance d ‘ouverture de la conférence, avec notamment un talk intéressant de Richard Tiffin, Université de Reading, UK, intitulé « Why Malthus is not the answer to Food Insecurity: Lessons from a not-so-dismal scientist ». Une mise en perspective intéressante de la conférence à travers une analyse démographique historique et prospective en relation avec la sécurité alimentaire. Le message était que nous avons raison de croire que Malthus a encore tord sur sa théorie de l’incapacité de la population humaine à s’autoréguler autrement que par la famine face à ses limites alimentaires. Le monde connaît en effet une transition démographique qui devrait mener à une stabilisation de la population mondiale au cours de ce siècle, principalement grâce à l’élévation du niveau de vie tandis que les famines ne permettent pas de « limiter » les populations.

L’équation Kaya-Porter

Mardi matin (11/02), John R. Porter, Université de Copenhague, Danemark, a présenté un nouveau concept basé sur l’équation de Kaya. L’équation de Kaya décompose un bilan d’émissions de gaz à effet de serre (GES) suivant 4 facteurs, soit:

GES = GES/Énergie * Énergie/PIB * PIB/Population * Population

où le premier terme (GES/Énergie) représente l’efficacité d’une source d’énergie en termes d’émission de GES, le deuxième terme (Énergie/PIB) l’intensité énergétique d’une économie, le troisième terme (PIB/Population) le revenu moyen par habitant et le dernier terme la population du territoire considéré. Jouer sur chacun de ces termes permet de réduire les émissions de GES, en fonction des choix techniques, économiques ou éthiques sous-jacents.

La nouvelle équation proposée par John Porter et appelé la Kaya Porter Identity est une décomposition des contributions du secteur agricole aux émissions de GES (Bennetzen et al. 2012) :

GESagricultural = [GESterre/Surface + ( GES/Énergie * Énergie/MS * MS/Surface ) ] * Surface

MS est la matière sèche produite, Surface la surface agricole utilisée pour produire cette matière sèche (MS/Surface étant le rendement surfacique agricole) et Énergie l’énergie utilisée pour produire la matière agricole.

Cette équation est relativement indépendante de l’échelle spatiale, càd qu’on peut l’étudier d’une échelle locale à globale. Cette équation permet d’analyser, pour un territoire donné, les émissions de GES liées à la production agricole et de pointer les éléments de la production agricole les plus pertinents à améliorer :

  • le rendement surfacique (MS/Surface),
  • l’intensité énergétique de la production (Énergie/MS),
  • l’intensité carbone de l’énergie utilisée pour la production agricole (GES/Énergie),
  • l’intensité surfacique des émissions de GES issu des surfaces agricoles (GESterre/Surface), qui peut être positif ou négatif.

Une première application de cette équation au Danemark peut être trouvée dans la publication Bennetzen et al. (2012). A quand une application sur le territoire wallon ?

C3MP

Enfin, un nouveau programme de recherche mené dans le cadre du groupe international AgMIP a été présenté par Alex Ruane, NASA, USA, le « Coordinated Climate-Crop Modeling Project (C3MP) ». Très similairement à MACSUR-CropM, le C3MP a pour but de rassembler des résultats de modèles de croissance de culture calibrés sur des sites spécifiques à travers le monde, afin d’améliorer les prédictions d’impacts des changements climatiques sur la production agricole. Chaque équipe de modélisateurs est invité localement à faire des analyses de sensibilité de leur modèle de croissance et ces analyses sont ensuite rassemblées et évaluées collectivement en fonction de projections climatiques régionales, en vue de produire des cartes mondiales d’indicateurs d’impact du changement climatique sur la production agricole. Ce projet rassemble donc les meilleurs modèles de croissance au monde et dresse une évaluation des impacts du changement climatique sur la production agricole sur base de scénarios communs.

Julien Minet

Bennetzen E. H., Smith P., Soussana J-F., Porter J. R., Identity-based estimation of greenhouse gas emissions from crop production: Case study from Denmark, European Journal of Agronomy, 41, 66-72, 2012, http://dx.doi.org/10.1016/j.eja.2012.03.010

Présentation du 5ème rapport du GIEC à Bruxelles

10 décembre 2013

Ce vendredi 6 décembre était organisé à la politique scientifique fédérale belge (BELSPO) une présentation du cinquième rapport du GIEC, partie 1 (AR5 dans le jargon du GIEC). Le but de cette rencontre était de présenter différents aspects de ce rapport par les scientifiques belges qui y ont eux-mêmes été impliqués. Le programme complet de cette après-midi et les présentations se trouvent ici.

La rencontre a commencé par une intervention de Melchior Wathelet, secrétaire d’Etat à l’Environnement, l’Energie et la Mobilité, qui a rappelé que l’objectif de réduction de 80% des émissions à l’horizon 2050 était possible et que les deux principaux secteurs qui ont la plus grande marge de manœuvre pour les réductions concernent chacun de nous: c’est la consommation d’énergie dans la mobilité et le logement.

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Jean-Pascal van Ypersele a ensuite présenté le rapport AR5, en réservant une petite surprise! Des slides présentant les principales conclusions du premier rapport de 1992 s’étaient glissées dans sa présentation! Mais finalement, ce dernier rapport ne change pas fondamentalement ces conclusions d’il y a une vingtaine d’années! Une boutade pour montrer que le consensus scientifique sur le réchauffement n’a fait que de se confirmer depuis le début des travaux du GIEC.

Jean-Pascal Van Ypersele a mis en garde contre les analyses “cherry-picking” de certains climato-septiques, qui extraient des données particulières, des morceaux de graphiques de la littérature scientifique et des rapports du GIEC pour mettre en doute l’actualité du réchauffement. En particulier, le ralentissement du réchauffement qui est observé pour la quinzaine d’années 1998-2012 (+ 0.05°C par décennie) est surtout dû au caractère très chaud de l’année 1998, dû à l’intensité du phénomène El Nino cette année-là. Si on prend comme période de référence 1996-2010, on obtient un réchauffement de + 0.14 °C par décennie. C’est une évidence statistique qu’il a rappelé à l’audience: à savoir qu’une période de 15 ans n’est pas significative en climatologie, tout comme tel évènement extrême (typhon Hayan, tempête du 5 décembre en Belgique) ne peut pas être interprété directement comme une conséquence du réchauffement.

Pour info, cette présentation de JP van Ypersele ainsi que les autres de la journéee sont disponibles ici.

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Enfin, une nouveauté du rapport est un graphe entre le cumul des émissions de CO2 et la température (cfr ci-dessus) qui présente une linéarité entre ces deux variables. Ce graphe a une forte portée en termes de communication, car il simplifie l’enjeu du réchauffement sous forme de budget « carbone » à ne pas dépasser pour rester sous un seuil donné de température. Ainsi, pour rester sous un réchauffement de 2 degrés à l’horizon 2100, nous avons un total de 800 GtC à ne pas dépasser, desquelles nous avons déjà « consommé » 550 GtC (période de référence de 1870-2013). Il nous reste donc un quota de 250 GtC, ce qui correspond à 25 années d’émissions actuelles de carbone. La trajectoire de cette quantité à utiliser (ou pas) importe peu : peu importe pour le climat que tout soit consommé en quelques années ou en plusieurs décennies tant que l’on reste sous le seuil décidé. Cet objectif de 250 GtC est-il réaliste ? Il est certainement possible techniquement, et il faut rappeler qu’aussi bien les USA et l’Europe ont vu leurs émissions diminuer au cours des dix dernières années.

En ce qui concerne les implications pour la Belgique, une nouveauté de l’AR5 est un atlas régional des projections du GIEC (voir cet article précédent sur ce blog). Selon Piet Termonia (KMI/IRM), la construction d’un tel atlas permet d’améliorer la conscientisation et l’implication des populations. L’IRM travaille d’ailleurs sur un projet d’atlas météorologique de Belgique qui sera en ligne sur meteo.be en 2014.

Enfin, la journée s’est terminée par une table-ronde avec différents stakeholders: représentants des travailleurs, des employeurs, ONG environnementalistes, monde associatif, etc. qui ont pu poser leurs questions aux “experts” scientifiques présents dans la salle. Particularité d’un évènement organisé par un service public fédéral, le tout est en bilingue français – néerlandais mélangé en alternance, sans traduction!

Climat en Belgique: objectif 2050!

climat2050Ça bouge sur les questions du climat depuis la sortie du dernier rapport du GIEC! A noter une refonte du site d’information climat.be et une nouvelle section sur les engagements et les scénarios de réduction de gaz à effets de serre de 80% à 95% d’ici 2050. On y trouve aussi une cartographie des engagements déjà pris par les différents niveaux de pouvoirs en Belgique. –> www.climat.be/2050

Présentation du nouveau rapport AR5-WG1 du GIEC à Bruxelles, 4 novembre 2013

06 novembre 2013

J’ai assisté ce lundi 4 novembre à la première journée de l’ « International conference on regional climate » (CORDEX 2013). C’est une conférence scientifique portant, comme son nom l’indique, sur la modélisation régionale du climat et qui est organisée sous les auspices du WCRP, du GIEC et de la Commission Européenne. Mais l’originalité de cette conférence scientifique est que la première journée a été dédiée non pas aux présentations scientifiques mais à la présentation de la première partie du 5ème rapport du GIEC (AR5 – Working group I – The physical science basis – cfr www.climatechange2013.org) et à des débats avec “le monde réel”, du moins certains de ses représentants politiques et de la société civile.

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Le nouveau rapport du GIEC (cfr les articles précédents sur ce blog ici et ) a donc été présenté brièvement, avec un nouveau résumé en 19 messages-clés plus succinct que le résumé pour décideur politiques (ici, 36 pages) et bien sûr bien plus court que les 2216 pages du rapport en lui-même. Il a été répété que le degré de certitude sur le fonctionnement du système climatique et sa compréhension ont globalement augmenté depuis le précédent rapport. Le fait que le changement climatique observé a majoritairement une cause humaine est confirmé : « Climate action cannot be postponned » a martelé M Jarraud ; « There are no more excuses to act » a renchéri Connie Hedegaard. L’intervention de cette dernière, a été particulièrement énergique ! Notons ce message à l’égard de la responsabilité de la presse en général : « De même que vous n’avez pas besoin d’inviter quelqu’un affirmant que la terre est plate quand on parle d’astronomie, arrêtez d’inviter des climato-sceptiques pour parler du climat. » Elle a rappelé que la Commission Européenne est en train de préparer l’après-2020 en terme de politique climatique avec une nouvelle cible : 2030. Elle a enfin clamé qu’un changement de paradigme était nécessaire pour adopter le fait qu’on ne peut plus être « economy-realist » sans être « environment-realist ». Pour elle, les voies de la transition vers une société bas-carbone ne sont pas insurmontables et sont bien connues, mais la difficulté réside dans l’acceptation de cette transition par la société.

Jean-Pascal Van Ypersele a ensuite brièvement retracé le chemin du GIEC (IPCC) depuis sa création il y a 25 ans. Il a rappelé le rôle souvent inconfortable du GIEC qui se trouve à l’interface science/politique. Avec 259 auteurs, 54677 commentaires révisés, le dernier rapport (première partie de l’AR5) est sans doute le document scientifique le plus révisé de l’histoire ! Enfin, comme message aux politiques, il a rappelé que l’on ne peut pas négocier avec le système climatique : « The laws of Nature are not negotiable. »

Une des nouveautés du rapport AR5-WG1 est une présentation claire du budget énergétique global du réchauffement. En effet, l’atmosphère ne se réchauffe pas seule car la majeure partie ( > 90%) du « surplus » énergétique dû au réchauffement est absorbé par les océans. Ce fait déjà connu auparavant a été mis en exergue pour montrer que la température de l’atmosphère n’est pas nécessairement le meilleur indicateur du réchauffement. Il a été aussi discuté du récent regain d’intérêt pour les prévisions climatiques annuelles et décanales, censés faire, dans une certaine mesure, le lien entre prévisions météo et projections climatiques. Ce champ de recherche en climatologie a reçu beaucoup d’attention récemment mais, comme Van Ypersele l’a souligné, il est hasardeux de s’en tenir à une seule décade d’observations lorsqu’on parle de climatologie. C’est un champ de recherche intéressant mais la distinction fondamentale météorologie vs climatologie (càd modélisation déterministe vs stochastique) reste à souligner.

Par visioconférence depuis l’Inde, Rajendra Pachauri, président du GIEC, a notamment répondu à une question d’un journaliste sur le rôle des médias en suggérant que les médias doivent relater les choses positives en termes d’action climatique, comme cette réduction drastique des émissions de CO2 sous une croissance plus élevée que précédemment en Colombie Britannique, Canada, suite à l’introduction d’une taxe carbone.

L’après-midi a été consacrée à un « policy-maker panel » et un « end-user panel ». Les principales demandes du monde politique revenaient à une information locale la plus précise possible des impacts du changement climatique. Une demande que le modérateur a renvoyé comme question aux scientifiques présents dans l’assemblée. Les réponses étaient mitigées. Certes les modélisations régionales du climat ont grandement avancées très récemment, mais une parvenir à une information locale précise reste un objectif difficilement atteignable directement. Il est néanmoins souhaitable de traduire les projections globales en probabilités de risque localement. Concernant les « utilisateurs finaux », un appel à la collecte d’informations par les citoyens (crowdsourcing) a été lancé. Il a été remarqué que beaucoup d’acteurs de terrain (agriculteurs, forestiers, marins) sont souvent en première ligne pour voir et vivre les effets du changement climatique et que leurs témoignages valent la peine d’être collectés. La dernière partie rassemblait autour de la table différents représentants de la société civile (Climate Action Network, Croix Rouge), des entreprises (Munich Reinsurrance Group) et de groupe intergouvernementaux. M Jarraud a insisté sur l’importance de construire et maintenir des réseaux de mesures météorologiques dans chaque pays, surtout en Afrique, ainsi que de soutenir les opérateurs locaux de ces réseaux. Le représentant de Munich Reinsurrance Group a enfin insisté que l’information sur le risque climatique et le changement du risque était primordial pour des compagnies d’assurance.

Bref, une journée riche en information et plutôt encourageante sur la volonté des acteurs présents d’agir pour le climat, une formule maintes fois utilisée, à tort et à travers, mais qui garde néanmoins tout son sens dès lors que l’on prend conscience des enjeux et des voies de la transition.

Julien

5ème rapport du GIEC: quid des impacts en Belgique?

9 octobre 2013

Après un résumé du “Summary for policy-makers” du 5ème rapport du GIEC, je vous propose un petit condensé des informations du rapport complet en ce qui concerne la Belgique. Le rapport complet – en anglais – faisant tout de même 2216 pages (que je n’ai pas toutes lues ;-) ) ! Ce rapport se concentre sur les bases physiques du changement climatique. Le rapport sur les conséquences, l’adaptation et la vulnérabilité aux changements climatiques n’est pas encore publié.

Impossible de résumer en quelques lignes un tel rapport! Il commence avec un résumé technique de 127 pages avec de belles figures (mise en vrac à la fin de la section). J’ai noté néanmoins des FAQ à travers le document qui apportent des réponses plus rapides aux questions que l’on pourrait se poser en filigrane lors de la lecture du rapport, comme par ex. “If Understanding of the Climate System Has Increased, Why Hasn’t the Range of Temperature Projections Been Reduced?”, If You cannot Predict the Weather Next Month, How can You Predict Climate for the Coming Decade?  ou “Are Glaciers in Mountain Regions Disappearing?”, etc. Le rapport se termine avec un glossaire de termes climatiques (annexe III) fort intéressant de 32 pages!

Concernant la Belgique, l’annexe I présente les projections régionales du changement climatique dans les différentes régions du globe. Ces projections utilisent un ensemble de simulations de modèles climatiques, qui sont construits selon différents scénarios d’émissions de gaz à effet de serre et des autres forçages radiatifs (Representative Concentration Pathways – RCP) selon différents scénarios socio-économiques. Aux pages 2091 et 2092, nous avons les cartes des changements de températures en Décembre-Février et Juin-Août  relativement à 1986-2005 à 3 horizons de temps: 2016-2035, 2046-2065 et 2081-2100. D’après les projections, la Belgique est relativement épargnée par le réchauffement aussi bien hivernal qu’estival.

IPCC_AR5_figAI36

Aux pages 2093 et 2094, nous avons les mêmes cartes quant aux changements de pluviométrie. Nous sommes encore dans de grandes incertitudes quant à ceux-ci pour le petit territoire belge (zones hachurées). Enfin, il reste que ces projections ne peuvent être suffisamment détaillées pour appréhender la possibilité des évènements extrêmes. Comme le montre la figure suivante (Histogramme des valeurs moyennes des températures des étés observées (bleu) et projetées en 2090 (rouge) in Battisti, Science, 2009), c’est surtout la variabilité accrue du climat qui sera la cause de l’augmentation des évènements extrêmes. Un écart-type est souvent plus important qu’une moyenne…

Battisti_Science_2009

Julien

5ème rapport du GIEC: les bases physiques du changement climatique

3 octobre 2013

Le 27 septembre 2013 sortait la première partie du 5ème rapport du GIEC (5th Assessment Report – AR5) sur les bases physiques du changement climatique. La version complète de l’AR5 sortira en ocotbre 2014. Cette première partie se décline en 3 versions, de la plus complète à la plus succinte: Full reportSummary for PolicymakersHeadline statements from the summary. J’ai parcouru le “summary for policy makers” et écrit une courte synthèse.

Summary for policy-makers

Le “summary for policy-makers” est tout de même un document de 36 pages (22 de texte + 14 de tableaux et graphiques). Il brosse tout les aspects des domaines de synthèse du GIEC. Le rapport commence par les observations du changement climatique (B. Observed changes in the Climate) jusqu’à présent dans l’atmosphère, les océans, la cryosphère, le niveau de la mer et les cycles du carbone et biogéochimiques. Il montre ensuite une synthèse des causes du changement climatique (C. Drivers of Climate Change). La section suivante est une synthèse des connaissances sur le fonctionnement du climat et du changement climatique récent (D. Understanding the Climate System and its Recent Changes), par le biais des modèles climatiques, la quantification des rétrocations du système climatique à différents forçages et l’attribution des causes (très probablement anthropique pour la cause dominante) du changement climatique. Enfin, le rapport termine sur les projections climatiques en synthétisant les résultats de plusieurs modèles climatiques (E. Future Global and Regional Climate Change).

Le degré de confiance accordé aux observations et aux projections est toujours indiqué. Sans surprise, le degré de confiance lié aux observations est souvent très élevé (très probablement), en tout cas plus que les projections, dont une grande part de l’incertitude est liée tout particulièrement parce qu’elles dépendent de scénarios socio-politiques, qui dépendent plus des humains que du système climatique. Le degré de confiance dans beaucoup de projections et d’observations a augmenté depuis le dernier rapport.

Les données majeures du rapport sont bien présentées en 10 figures et 3 tableaux. Les figures sont remarquables par leur clarté. Je vous invite ne fut-ce qu’à les parcourir. Comme illustration, je mets la figure des contributions en forçages radiatifs de chaque cause du changement climatique.

IPCC_AR5sumpolicymakers_figSPM5

Julien Minet