Sécurité alimentaire et modélisation des cultures

17 février 2014

Un compte-rendu partiel du CropM international workshop & symposium, Oslo, 10-12 février 2014.

La conférence, organisée dans le cadre du projet européen MACSUR, a rassemblé la communauté des modélisateurs de croissances des plantes en Europe et au-delà. Cette conférence a également permis de partager l’état d’avancement des différentes tâches du groupe CropM (modélisateurs de la croissance des cultures) au sein de MACSUR. Ci-dessous, un choix arbitraire de quelques éléments marquants de cette conférence :

Malthus et la sécurité alimentaire

Lundi soir (10/02) était organisé la séance d ‘ouverture de la conférence, avec notamment un talk intéressant de Richard Tiffin, Université de Reading, UK, intitulé « Why Malthus is not the answer to Food Insecurity: Lessons from a not-so-dismal scientist ». Une mise en perspective intéressante de la conférence à travers une analyse démographique historique et prospective en relation avec la sécurité alimentaire. Le message était que nous avons raison de croire que Malthus a encore tord sur sa théorie de l’incapacité de la population humaine à s’autoréguler autrement que par la famine face à ses limites alimentaires. Le monde connaît en effet une transition démographique qui devrait mener à une stabilisation de la population mondiale au cours de ce siècle, principalement grâce à l’élévation du niveau de vie tandis que les famines ne permettent pas de « limiter » les populations.

L’équation Kaya-Porter

Mardi matin (11/02), John R. Porter, Université de Copenhague, Danemark, a présenté un nouveau concept basé sur l’équation de Kaya. L’équation de Kaya décompose un bilan d’émissions de gaz à effet de serre (GES) suivant 4 facteurs, soit:

GES = GES/Énergie * Énergie/PIB * PIB/Population * Population

où le premier terme (GES/Énergie) représente l’efficacité d’une source d’énergie en termes d’émission de GES, le deuxième terme (Énergie/PIB) l’intensité énergétique d’une économie, le troisième terme (PIB/Population) le revenu moyen par habitant et le dernier terme la population du territoire considéré. Jouer sur chacun de ces termes permet de réduire les émissions de GES, en fonction des choix techniques, économiques ou éthiques sous-jacents.

La nouvelle équation proposée par John Porter et appelé la Kaya Porter Identity est une décomposition des contributions du secteur agricole aux émissions de GES (Bennetzen et al. 2012) :

GESagricultural = [GESterre/Surface + ( GES/Énergie * Énergie/MS * MS/Surface ) ] * Surface

MS est la matière sèche produite, Surface la surface agricole utilisée pour produire cette matière sèche (MS/Surface étant le rendement surfacique agricole) et Énergie l’énergie utilisée pour produire la matière agricole.

Cette équation est relativement indépendante de l’échelle spatiale, càd qu’on peut l’étudier d’une échelle locale à globale. Cette équation permet d’analyser, pour un territoire donné, les émissions de GES liées à la production agricole et de pointer les éléments de la production agricole les plus pertinents à améliorer :

  • le rendement surfacique (MS/Surface),
  • l’intensité énergétique de la production (Énergie/MS),
  • l’intensité carbone de l’énergie utilisée pour la production agricole (GES/Énergie),
  • l’intensité surfacique des émissions de GES issu des surfaces agricoles (GESterre/Surface), qui peut être positif ou négatif.

Une première application de cette équation au Danemark peut être trouvée dans la publication Bennetzen et al. (2012). A quand une application sur le territoire wallon ?

C3MP

Enfin, un nouveau programme de recherche mené dans le cadre du groupe international AgMIP a été présenté par Alex Ruane, NASA, USA, le « Coordinated Climate-Crop Modeling Project (C3MP) ». Très similairement à MACSUR-CropM, le C3MP a pour but de rassembler des résultats de modèles de croissance de culture calibrés sur des sites spécifiques à travers le monde, afin d’améliorer les prédictions d’impacts des changements climatiques sur la production agricole. Chaque équipe de modélisateurs est invité localement à faire des analyses de sensibilité de leur modèle de croissance et ces analyses sont ensuite rassemblées et évaluées collectivement en fonction de projections climatiques régionales, en vue de produire des cartes mondiales d’indicateurs d’impact du changement climatique sur la production agricole. Ce projet rassemble donc les meilleurs modèles de croissance au monde et dresse une évaluation des impacts du changement climatique sur la production agricole sur base de scénarios communs.

Julien Minet

Bennetzen E. H., Smith P., Soussana J-F., Porter J. R., Identity-based estimation of greenhouse gas emissions from crop production: Case study from Denmark, European Journal of Agronomy, 41, 66-72, 2012, http://dx.doi.org/10.1016/j.eja.2012.03.010