Présentation du nouveau rapport AR5-WG1 du GIEC à Bruxelles, 4 novembre 2013

06 novembre 2013

J’ai assisté ce lundi 4 novembre à la première journée de l’ « International conference on regional climate » (CORDEX 2013). C’est une conférence scientifique portant, comme son nom l’indique, sur la modélisation régionale du climat et qui est organisée sous les auspices du WCRP, du GIEC et de la Commission Européenne. Mais l’originalité de cette conférence scientifique est que la première journée a été dédiée non pas aux présentations scientifiques mais à la présentation de la première partie du 5ème rapport du GIEC (AR5 – Working group I – The physical science basis – cfr www.climatechange2013.org) et à des débats avec “le monde réel”, du moins certains de ses représentants politiques et de la société civile.

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Le nouveau rapport du GIEC (cfr les articles précédents sur ce blog ici et ) a donc été présenté brièvement, avec un nouveau résumé en 19 messages-clés plus succinct que le résumé pour décideur politiques (ici, 36 pages) et bien sûr bien plus court que les 2216 pages du rapport en lui-même. Il a été répété que le degré de certitude sur le fonctionnement du système climatique et sa compréhension ont globalement augmenté depuis le précédent rapport. Le fait que le changement climatique observé a majoritairement une cause humaine est confirmé : « Climate action cannot be postponned » a martelé M Jarraud ; « There are no more excuses to act » a renchéri Connie Hedegaard. L’intervention de cette dernière, a été particulièrement énergique ! Notons ce message à l’égard de la responsabilité de la presse en général : « De même que vous n’avez pas besoin d’inviter quelqu’un affirmant que la terre est plate quand on parle d’astronomie, arrêtez d’inviter des climato-sceptiques pour parler du climat. » Elle a rappelé que la Commission Européenne est en train de préparer l’après-2020 en terme de politique climatique avec une nouvelle cible : 2030. Elle a enfin clamé qu’un changement de paradigme était nécessaire pour adopter le fait qu’on ne peut plus être « economy-realist » sans être « environment-realist ». Pour elle, les voies de la transition vers une société bas-carbone ne sont pas insurmontables et sont bien connues, mais la difficulté réside dans l’acceptation de cette transition par la société.

Jean-Pascal Van Ypersele a ensuite brièvement retracé le chemin du GIEC (IPCC) depuis sa création il y a 25 ans. Il a rappelé le rôle souvent inconfortable du GIEC qui se trouve à l’interface science/politique. Avec 259 auteurs, 54677 commentaires révisés, le dernier rapport (première partie de l’AR5) est sans doute le document scientifique le plus révisé de l’histoire ! Enfin, comme message aux politiques, il a rappelé que l’on ne peut pas négocier avec le système climatique : « The laws of Nature are not negotiable. »

Une des nouveautés du rapport AR5-WG1 est une présentation claire du budget énergétique global du réchauffement. En effet, l’atmosphère ne se réchauffe pas seule car la majeure partie ( > 90%) du « surplus » énergétique dû au réchauffement est absorbé par les océans. Ce fait déjà connu auparavant a été mis en exergue pour montrer que la température de l’atmosphère n’est pas nécessairement le meilleur indicateur du réchauffement. Il a été aussi discuté du récent regain d’intérêt pour les prévisions climatiques annuelles et décanales, censés faire, dans une certaine mesure, le lien entre prévisions météo et projections climatiques. Ce champ de recherche en climatologie a reçu beaucoup d’attention récemment mais, comme Van Ypersele l’a souligné, il est hasardeux de s’en tenir à une seule décade d’observations lorsqu’on parle de climatologie. C’est un champ de recherche intéressant mais la distinction fondamentale météorologie vs climatologie (càd modélisation déterministe vs stochastique) reste à souligner.

Par visioconférence depuis l’Inde, Rajendra Pachauri, président du GIEC, a notamment répondu à une question d’un journaliste sur le rôle des médias en suggérant que les médias doivent relater les choses positives en termes d’action climatique, comme cette réduction drastique des émissions de CO2 sous une croissance plus élevée que précédemment en Colombie Britannique, Canada, suite à l’introduction d’une taxe carbone.

L’après-midi a été consacrée à un « policy-maker panel » et un « end-user panel ». Les principales demandes du monde politique revenaient à une information locale la plus précise possible des impacts du changement climatique. Une demande que le modérateur a renvoyé comme question aux scientifiques présents dans l’assemblée. Les réponses étaient mitigées. Certes les modélisations régionales du climat ont grandement avancées très récemment, mais une parvenir à une information locale précise reste un objectif difficilement atteignable directement. Il est néanmoins souhaitable de traduire les projections globales en probabilités de risque localement. Concernant les « utilisateurs finaux », un appel à la collecte d’informations par les citoyens (crowdsourcing) a été lancé. Il a été remarqué que beaucoup d’acteurs de terrain (agriculteurs, forestiers, marins) sont souvent en première ligne pour voir et vivre les effets du changement climatique et que leurs témoignages valent la peine d’être collectés. La dernière partie rassemblait autour de la table différents représentants de la société civile (Climate Action Network, Croix Rouge), des entreprises (Munich Reinsurrance Group) et de groupe intergouvernementaux. M Jarraud a insisté sur l’importance de construire et maintenir des réseaux de mesures météorologiques dans chaque pays, surtout en Afrique, ainsi que de soutenir les opérateurs locaux de ces réseaux. Le représentant de Munich Reinsurrance Group a enfin insisté que l’information sur le risque climatique et le changement du risque était primordial pour des compagnies d’assurance.

Bref, une journée riche en information et plutôt encourageante sur la volonté des acteurs présents d’agir pour le climat, une formule maintes fois utilisée, à tort et à travers, mais qui garde néanmoins tout son sens dès lors que l’on prend conscience des enjeux et des voies de la transition.

Julien